16/10/2013
par Plongeur.com
Le Grand Requin Marteau, requin de la tentation !
L'un de nos partenaires et agence de voyage e-Tahiti Travel propose depuis peu une offre exceptionnelle pour partir plonger avec le grand requin marteau (Sphyrna mokarran) dans les atolls des Tuamotus (Rangiroa, Fakarava et Tikehau) en janvier et février 2014. Pour découvrir cette espèce incroyable, nous avons laissé la parole à 2 spécialistes.
Nicolas Bernard
Depuis combien de temps as-tu posé tes palmes en Polynésie et Pourquoi ? «Ca va faire 8 ans maintenant. Pourquoi ? Parce que c’est un endroit de prédilection pour la plongée qui est mon métier.» Peux-tu nous parler de ton parcours en Polynésie ? «J’ai commencé par Bora Bora parce que c’était un endroit où on pouvait trouver du travail facilement en 2006 et puis je suis rentré immédiatement chez TOPDIVE. J’ai commencé par faire des saisons, juste 6 mois, avant de partir pour Fakarava où je suis resté près de 4 ans comme chef de centre. En 2011, j’ai rejoint Rangiroa, où je suis chef de centre depuis 2 ans au centre de plongée TOPDIVE.» Comment s’est passé ta première rencontre avec le Grand Requin Marteau ? «Le Grand Requin Marteau, je l’avais déjà vu à Fakarava. C’est une espèce que l’on voit plus rarement sur cette île, mais que l’on peut parfois observer. Et donc les premières rencontres sont comme toujours extraordinaires avec le Marteau car c’est un animal plus gros que les autres et qui a une morphologie un peu particulière. Moi ça me donne toujours l’impression de plonger avec un dinosaure. Ou alors pour faire une analogie avec les safaris en Afrique, c’est comme tomber face à un guépard. L’espère rare, le prédateur, le "roi de sous l’eau". » Quelles sont les particularités de son comportement ? «C’est un requin timide avec les plongeurs, qui s’approche rarement, ou alors il est en action de chasse (petit rire). Mais de lui- même, il va rester à distance des palanquées, il faut plus avoir la chance de croiser sa route. Ce n’est pas lui qui viendra vers les plongeurs sachant qu’on ne fait pas de stimulation alimentaire aux Tuamotu, donc c’est vraiment une rencontre fortuite. On connait quand même leurs zones d’évolution, où est-ce qu’ils se trouvent, où on a le plus de chance de les croiser en fonction des mouvements des marées. Rangiroa est l’île où on a plus de chance de le croiser du fait de l’étroitesse de la passe. On sait qu’à des horaires réguliers, il passe et sa nourriture y est présente.» Justement quelle est sa nourriture ? «C’est assez varié. Il peut faire son festin de petits requins jusqu’à 1m50 ou 1m80. Des raies aussi. On l’observe ainsi plus souvent lors de sa reproduction étant donné que c’est un moment où son attention est plus relâchée.» Faut-il avoir un comportement particulier face au Grand Requin Marteau ? «Pour les plongeurs c’est toujours pareil, il faut être le plus calme possible. C’est-à-dire que les plongeurs ne doivent pas se ruer dessus. En général, quand on aperçoit un Requin Marteau, on voit toute la palanqué qui semble être au départ du 100m des jeux olympiques. Dans ce cas, le requin s’en va bien plus vite que les plongeurs. C’est assez exceptionnel mais on l’a déjà observé en action de chasse. Et là c’est différent... Si la raie qu’il poursuit se réfugie dans la palanquée, on n’a pas le temps de fuir, donc on observe tranquillement. C’est la seule chose à faire de toute manière. En espérant que la petite raie ne viendra pas s’abriter sous ton aisselle, c’est ce qui m’était arrivé avec un poisson que le requin était venu chercher sous mon bras, mais ce n’était pas un Marteau.» Quelles sont les particularités des plongées à Rangiroa ? «Ceux sont des plongées dans des passes, les plus belles des Tuamotus. Dans ces passes, il y a une diversité extraordinaire, un écosystème complet, une chaine alimentaire équilibrée. On peut tout y voir, du plus petit poisson au plus gros. On a l’avantage d’être sur un atoll entouré d’eau, c’est comme si on plongeait dans l’océan et à seulement 50m du tombant, on a déjà des espèces pélagiques. A Rangiroa, il y a aussi la sédentarisation de certains dauphins, les tursiops, qui interagissent depuis des années avec les plongeurs. Le dauphin, contrairement au requin, a une réputation de mammifère gentil très intelligent qui a presque toujours le sourire. Il y a vraiment une interaction très forte qui se crée entre les plongeurs qui rêvent depuis qu’ils font de la plongée de croiser des dauphins et ces dauphins qui sont particulièrement proches des humains.» Quelle est ta plus belle rencontre sous-marine ? «On ne peut pas dire LA plus belle. Ce qui est rare est une belle rencontre. Je ne peux pas en classer une en particulier. Toutes les rencontres rares ont été les plus belles.» Celle que tu espères encore ? «Oui, le "parata", le Carcharhinus longimanus ou pointe blanche du large. Celui-là, je n’ai pas eu la chance de le rencontrer. C’est rare de les avoir proches des passes, c’est un requin de haute mer.» Ton site de plongée favori ? «Fakarava, le nord comme le sud car c’est difficile d’en classer un meilleure que l’autre. Comme à Rangiroa, ces deux sites ont une vraie complémentarité. Il manque quelque chose à Faka Sud comme il manque quelque chose à Faka Nord. Ce sont vraiment des destinations très complémentaires.»Nicolas Buray
Depuis combien de temps as-tu posé tes palmes en Polynésie ? Pourquoi ? «Je suis arrivé en Polynésie en 98 pour une seule et unique raison : pouvoir plonger avec un maximum d’espèces de requins différentes et faire un maximum de plongées. Depuis très petit, je suis passionné par les requins et la Polynésie est certainement l’un des seuls endroits au monde où l’on peut plonger avec plusieurs espèces de requin en même temps.» Peux-tu nous parler de ton parcours professionnel ? «Je suis Brevet d’état depuis 1995, BEES 2 depuis 98, j’ai travaillé avec des centres de vacances un peu partout dans le monde et je suis arrivé en 98 avec le Club Med de Moorea. J’y ai posé mes palmes et j’y suis resté.» Tu te souviens de ta première rencontre avec le Grand Requin Marteau ? «Ma première rencontre c’était en 99 je crois bien, à Rangiroa, au fond de la passe de Tiputa. Il y avait un banc de raies aigles et derrière suivait un Grand Requin Marteau. Et comme c’est la première, cette rencontre reste forcément plus magique que les autres.» Quelles sont les particularités du Grand Requin Marteau ? «D’abord il faut savoir qu’en Polynésie, il existe deux espèces de Requin Marteau et comme son nom l’indique, le Grand Requin Marteau est la plus grande des deux. Le Grand Requin Marteau se caractérise donc déjà par sa taille qui peut aller jusqu’à 6 mètres. Ensuite, c’est un animal qui est très trapu. Et enfin, ce qui est le plus connu, c’est sa très grande nageoire dorsale. Ce qui le caractérise, c’est lorsqu’il est en chasse : souvent il n’hésite pas à se mettre de biais pour regarder. Par exemple, si on le trouve au fond de la passe et qu’un plongeur arrive au-dessus, il va se mettre sur le côté de manière à le regarder. C’est un animal qui malgré sa taille et sa force est très peureux.» Pourquoi y a-t-il une saison pour observer ces requins aux Tuamotu ? «En effet on dit qu’il y a une saison pour l’observer. En fait, cette saison correspond, de décembre à mars, à l’accouplement des raies aigles qui sont ses proies. Les raies se regroupent au fond des passes et le Requin Marteau profite de ce moment d’abondance pour venir se nourrir. C’est à cette période que les observations par les plongeurs se font le plus. Maintenant, ces requins sont semi-pélagiques et encore assez mal connus. C’est-à-dire qu’on ne connait pas encore leur migration. Une étude a commencé il y a quelques années mais elle s’est malheureusement soldée par un échec vu que la balise posée sur un requin avait été retrouvée au milieu du lagon quelques jours après le début de l’étude. Beaucoup de questions subsistent donc encore sur ses mœurs.» Quel est son habitat naturel le reste de l’année ? «Les avis sont partagés : certains pensent qu’ils restent dans le lagon, d’autres qu’ils sont assujettis à une grand migration. Mais a priori, le lagon serait un habitat très favorable au Requin Marteau, particulièrement dans les atolls.» Comment as-tu lancé cette idée d’Observatoire de Requin en Polynésie ? «Quand j’étais responsable du centre TOPDIVE à Moorea, j’ai eu la chance d’avoir le CRIOBE qui m’a aidé à structurer mes observations comportementales des requins citron et donc ce que j’ai pu faire sur les requins citron m’a ouvert les yeux sur ma chance d’être soutenu par cet organisme. Je me suis aperçu qu’il y a beaucoup de moniteurs ici en Polynésie qui font d’autres observations tout aussi intéressantes sur diverses espèces. Et j’ai donc crée l’ORP pour permettre à ces moniteurs de mettre sur papier leurs observations. A partir de là, cela nous crée une grosse base de données que nous allons pouvoir traiter. Dès la fin de l’année, nous aurons les premiers résultats qui vont nous permettre par exemple, de cartographier les différentes espèces de requin à travers la Polynésie et de suivre les stocks sur le long terme. Ce sont ces choses-là qui me paraissent intéressantes. Donc on a mis au service d’une centaine de moniteurs de plongée à travers la Polynésie un site internet qui permet de récupérer toutes les données inimaginables qu’on peut avoir sur les requins.» Quels sont tes projets pour l’avenir ? «Les projets, ce n’est pas ce qu’il manque. Là, il y a une étude qui va commencer avec les requins tigres, vu que les observations sont de plus en plus fréquentes à Tahiti. Ensuite, le prochain projet c’est la mise en forme du traitement de données de l’ORP. A partir de là, on va pouvoir avoir certaines données qui vont nous donner une certaine assise sur les différentes espèces de requin. Toujours en partenariat avec le CRIOBE. Pour l’ORP, le but sera toujours d’avoir plus d’informations pour le long terme. Les questions viendront ensuite.» Par rapport au marteau, est-ce que vous pouvez dire s’il y en a plus ou moins qu’avant selon vos observations ? «Non, deux ans d’observation ce n’est pas suffisant. Cette année, ce qui est bizarre c’est qu’on a observé des requins marteaux presque toute l’année, tout comme les raies aigles, alors que normalement après mars, leur présence se fait plus rare. Ce sont plein de questions qui n’ont pas encore de réponses. Donc si l’ORP peut aider les scientifiques pour de prochaines études, ça sera bien volontiers. Mais là l’objectif de l’ORP c’est vraiment de récolter un maximum de données pour ne pas perdre de temps pour les études à venir.»- Voyages, séjours
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