Alviela : 6h40 de plongée -134m
En route pour le Portugal…
Barnabé et moi arrivons le samedi soir, la route est longue et les voitures chargées au maximum. En effet, nous sommes complètement autonomes en matériel en gaz et avons tout pour le gonflage (compresseur, stick, booster). Nous avons avec nous, en plus des recycleurs et scooter, des blocs de secours… une bonne dizaine au total. Jérôme nous rejoindra le lundi, avec encore des blocs à mettre dans l’eau…Les préparatifs sur le site…
Nous ne mettons pas moins de deux jours à tout mettre en place dans la grotte. En effet, l’eau est à une cinquantaine de mètres de l’entrée. Une tyrolienne est en place pour nous aider. Il y a pas mal de portage à faire, dur dur pour le dos. Mais nous ne sommes pas dans une configuration « fond de trou ». Il y a du portage sur 50m, mais une échelle et les spéléos portugais on installé une sorte de ponton pour se mettre à l’eau. Le grand luxe...Le repérage…
Plusieurs plongées sont faites pour découvrir la galerie, repérer le fil d’Ariane, mettre des flèches pour indiquer le retour et poser des blocs de secours. Des blocs sont posés à 20m, 35m et 45m de profondeur avec les mélanges qui vont bien. Des flèches sont mises en place à toutes les bifurcations afin de marquer le chemin du retour sans ambigüité. En effet, cette grotte est un vrai gruyère et cela part dans tous les sens. Il n’est pas question d’avoir des doutes sur le chemin du retour.Jour J-1…
La veille de la plongée de pointe, les derniers préparatifs sont faits : - la mise en place au niveau de la cloche de tous les blocs nécessaires : ceux d’oxygène pour la décompression et ceux de trimix pour le « rinçage » ; - le passage en revue du matériel ; - et l'échange sur le « what if ».Le « What If » (autour de la table !) est une technique devant nous permettre d’envisager tout ce qui pourrait arriver au fond et prévoir la réaction à avoir : - Que faire si un phare tombe en panne ? - Que faire si un scooter tombe en panne ? - Que faire si … L’idée est de ne pas laisser de place à l’improvisation, tout en restant objectif sur les risques et n’envisager que ce qui est possible (mais on n’a pas de bonne réponse à « que faire si je perds le fil et mon phare et mes lampes de secours et que ma combinaison à un trou… »). Enfin, on regarde une fois de plus la décompression envisagée. Cela fait plusieurs semaines que nous échangeons sur le sujet, que nous faisons tourner des run-time dans tous les sens. Les grands principes sont là : - END maxi de 25m pour les bail-out ; - PpO2 maxi de 1.1 pour les bail-out. Ceci pour nous permettre de réccupérer au mieux en cas d’hyperoxie au fond ; - les blocs de secours sur le fils d’Ariane sont là pour nous permettre une déco rapide : PPO2 de 1.6 au niveau du fil ; - pas de pic de PpN2 au changement de gaz. - diluant choisi : un 7/87. Champ d’action important pour la profondeur, beaucoup d’Hélium pour ne pas être narcosé et un peu d’azote pour éviter le SNHP. Il faut dire que ce qu’il y a de perturbant, c’est de ne pas savoir comment continue la suite de la galerie profonde. En effet, lors de sa dernière pointe, Jérôme s’est arrêté sur un mur. On ne sait pas si c’est un terminus ou si la galerie continue à droite, si elle remonte, si elle descend… C’est de la vraie première ! Nous avons préparé tout cela ensemble. Je devais être le plongeur de sécurité et attendre le retour de Jérôme et Barnabé vers 50m pour voir si tout est OK.
Jour J…
La descente
Le retour
Là commence une longue, très longue déco. L’avantage de la plongée spéléo, c’est qu’on fait toujours la déco le long d’une paroi où au fond, ce qui est plus confortable qu’en pleine eau accroché à un parachute. Premier stop vers 100m. Ce sera pour nous l’occasion de mettre sur le fil une flèche à David « Tautaz » qui aurait dû être avec nous. Ensuite, on remonte doucement en suivant le fil d’Ariane. Nous retrouvons nos flèches. Nous profitons du retour pour récupérer tous les blocs de secours laissés. Nous finissons comme de véritables tankers, heureusement que le scooter est là pour nous trainer. Les paliers s’allongent au fur et à mesure que nous remontons vers la surface. Nous avançons tout doucement. Au bout de 160 minutes de plongée, on arrive enfin à la cloche. Tant mieux, je commence à avoir froid malgré une eau à 18°C. C’est le moment pour nous de poser tous les blocs que nous avions sur nous, les scooters et autre matériel (dévidoirs, caouech…). On se sent plus léger.Ensuite, on prend un des détendeurs accrochés à la cloche et on pose les recycleurs à l’entrée.
Et hop, un coup de palmes et on se retrouve dans la cloche. C’est sombre, on prendra nos lampes de secours pour avoir de la lumière. C’est bruyant car nous expirons dans la cloche et le surplus de gaz sort par l’entrée dans des gargouillis.Cela fait du bien de manger et boire (barre de céréale, tube énergétique et poudre dans l’eau GO2).
Le rythme est calme. On « rince » toutes les 20 minutes afin de soulager nos alvéoles pulmonaires qui subissent une PpO2 de 2.3 bars. Le gaz de rinçage est un 10/60 qui est l’occasion de franche rigolade avec « l’effet Donald Duck » de l’hélium. Les rinçages sont nécessaires, et malgré cela au bout de 3 heures on commence à avoir la gorge irritée et des remontées gastriques… Il faudra remédier à cela pour la prochaine fois. Les pires sont les 30 dernières minutes : interminables, insupportables. Enfin la libération, on se remet dans l’eau, on remet les recycleurs sur le dos en étant très prudent. Cela fait plus de 3h que la machine est en stand-by. On fait bien attention à que la chaux chauffe bien de nouveau et que le CO2 est bien fixé par la chaux. On se dirige vers la surface à la vitesse de 3 minutes par mètres : 33 minutes tout de même pour remonter de la cloche à la surface. Heureusement que des petites bêtes sont là dans la roche pour nous occuper.
La sortie
Au bout de 400 minutes de plongée, enfin le retour à l’air libre : 6h40 de plongée ! C’est super, très supportable dans les conditions que nous avions. On se déséquipe doucement dans l’eau, ce n’est pas le moment de faire des efforts. Je sors, je pose enfin ma combinaison, une libération tout de même. Je sens une gène au niveau des poumons, Barnabé aussi, comme si nous avions une bronchite. Jérôme nous rassure : c’est tout à fait normal vu le temps passé sous oxygène hyperbare (on est sorti avec un CNS proche de 900% il me semble).On file directement au restaurant d’à coté pour fêter cela :
la plongée spéléo la plus longue (en distance) et la plus profonde du Portugal !!!
Profil de pique de la plongée :
Matériel :
Texte et photos : Laurent Petitjean (Nitrox21)
- Plongée Tech, Spéleo, Epaves