La Suissesse qui rêve de record

Brigitte Lenoir veut devenir la femme la plus profonde du monde. A Dahab cet été, elle tentera d’atteindre 225 mètres. Mais c’est en Suisse, dans une eau à quatre degrés, qu’elle se prépare. ans le monde de la plongée technique, elle est un cas à part. Non pas qu’elle plie sous le poids de son recycleur ou qu’elle rechigne à transporter ses bail-out. Non. C’est plutôt sa tendance à garder ses hauts talons jusqu’au moment d’enfiler ses palmes qui frappe. « On me dit parfois que je fonctionne comme un mec. Ça ne m’empêche pas de vouloir garder ma féminité. Même si la plongée en soi, ce n’est pas vraiment sexy…» J’ai commencé à plonger en 2001, enchaînant les brevets. Dès le début, je voulais aller plus bas. A l’époque, parler de mélanges à l’hélium était réservé aux pionniers. L’équipement standard se limitait à une bouteille de 12 ou 15 litres. Quant aux recycleurs, c’était presque inaccessible. Donc séduisant ! Je m’y suis mise en 2006. Le côté compliqué m’a attirée. La première fois, j’ai été dégoûtée. Pourtant, j’ai persévéré. Quand quelque chose me résiste, je fonce de plus belle. L’avantage du recycleur (CCR) : offrir l’autonomie nécessaire pour rester plus longtemps sous l’eau et mieux gérer la décompression lors de plongées profondes. Au programme de la Valaisanne, s’accaparer deux records. « Celui détenu en CCR par Adina Oschert, qui a fait 144 mètres sur l’épave du HMS Victoria. Mais aussi celui de profondeur absolue qui appartient à Verna van Schaik, qui a atteint 221 mètres au Boesmansgat en Afrique du Sud. »

La première phase de l’aventure est totalement suisse. Depuis plusieurs semaines, Brigitte affine sa préparation dans le Haut-Lac : « la descente se déroulera le long d’une corde qui s’enfonce de la surface jusque vers les abysses, et non pas le long d’un tombant. Pour m’habituer à cette configuration, je procède par étapes. » Des plongées similaires à 105, puis 130 mètres ont déjà été effectuées. « Elles furent riches d’enseignements : lestage, disposition des bail-out, évaluation de la vitesse de descente, perfectionnement du positionnement sous l’eau, repérage des moments délicats. »   Le 10 avril, 160 mètres seront visés au large de Saint-Gingolph. « Deux de mes binômes m’attendront à 110 mètres. Leur rôle consistera surtout à m’apporter un soutien psychologique…» Au fond, la température ne dépasse pas quatre degrés. « C’est ce qui rend cette immersion, d’une durée d’environ 3h, presque aussi engagée que la tentative finale. » Laquelle aura lieu en Mer Rouge, au large de Dahab, en mai ou en août. Les démarches pour l’enregistrer dans le Guinness Book sont lancées. Sur place, dans une structure tenue par Tom Steiner, Brigitte sera encadrée par Pascal Bernabé, détenteur du record du monde en circuit autonome à 330 mètres. Quid de la gestion des risques ? « Les retours sur ce type d’immersion ne sont pas légion. La priorité est d’anticiper les problèmes et leur trouver des solutions. Pour mon ultime entraînement en Suisse, les secouristes de la Rega et la structure médicale spécialisée « Divers Alert Networks » sont alertés. Du matériel d’oxygénothérapie sera à disposition sur le bateau. Je me suis en outre entraînée physiquement pour affiner le rapport masse musculaire/ graisseuse afin d’optimiser la décompression. Mais évidemment, une part d’incertitude subsiste, donc de risque à accepter. »

 

Nous vous donnons d'ores et déjà rendez-vous pour suivre la progression de cette aventure. Le deuxième volet de cet article traitera de la préparation, de planification et de gestion de la sécurité.

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Texte : Nicolas Maury Photos sous-marines :  Daniel Saldana et photos terrestres : Brigitte Lenoir