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05/02/2010   par Plongeur.com

Lenaïg alias "Tiptup" en direct de l'Antarctique (3)

En exclusivité pour Plongeur.com, Lenaïg alias "Tiptup" nous fait découvrir sa mission sur la base Dumont D’Urville en Terre Adélie (Antarctique). Cette semaine... au travail ! TiptupBonjour les ami(e)s !! Au programme pour ce troisième épisode, les raisons de mon séjour en Terre Adélie (Lien vers compte-rendus 1 et 2). Je suis partie dans le cadre du programme REVOLTA qui signifie Radiation EVOLutive en Terre Adélie et qui a pour but de faire l'inventaire de la biodiversité benthique dans cette partie de l’Antarctique. Le benthique (ou benthos) qualifie tout ce qui est fixé (ou non) et vit sur les fonds marins : les éponges, les oursins, les crevettes, les poissons qui n'ont pas besoin de monter dans la colonne d'eau… et dans le lot il y a des spécimens bien particuliers, ce sont les comatules. Ces espèces sont l’objet de mes études depuis plusieurs années. Pour cette mission particulière, je suis partie avec mon boss (Marc) et une chercheuse de Montpellier (Angélique). Pour faire l’inventaire du benthos, nous partons en mer pour poser des filets (droits et trémails) et faire des coups de chalut à perche et de drague. Evidemment, on attrape plus de poissons que d'invertébrés dans les filets ou les chaluts. Mais tout de même, parmi ceux-ci, nous avons la chance de trouver quelques comatules.

Chalut ddu Remontée de Chalut (avec passager clandestin)

Chalut ddu Une prise particulière (Marsienopsis) un gros gastéropode Une fois notre butin remonté à bord, nous réalisons immédiatement le tri des espèces. Nous rejetons le plus vite possible les espèces vivantes qui ne nous intéressent pas.

 Chalut ddu La séance de tri : entre les algues et le reste... il faut trouver la bête rare  Sur le bateau, pendant le temps du retour, nous gardons en eau (dans des bacs) les espèces que nous voulons étudier. Parmi les invertébrés péchés, outre les comatules, nous avons aussi des ascidies, des ophiures, des nudibranches et des anémones. Toutes ces espèces sont ensuite transférées à terre puis dans des aquariums, comme vous pouvez le voir sur la photo jointe. La seule espèce qui n'est pas un poisson sur cette photo est une comatule et c’est « THE » comatule de ma thèse : Promachocrinus kerguelensis.

Comatule Promachocrinus kerguelensis. On la retrouve tout autour de l'Antarctique et en subantarctique aussi. Elle est reconnaissable à ses 20 bras. Les couleurs varient du brun jaunâtre au violet en passant par le rouge sombre, le beige, le bicolore beige-violet, beige-rouge...

Angélique conserve les poissons en aquarium le temps nécessaire pour réaliser l’ensemble de ses tests et vérifications. Entre autres, elle réalise un caryotype de ses prises. Pour cela, elle prélève un des organes de l'animal (sous anesthésie). Puis elle réalise une culture cellulaire lui permettant de faire une cartographie des chromosomes de ces poissons.

Pour ce qui est des comatules, nous essayons de les maintenir en aquarium pour observer les différentes phases de leur cycle de croissance. Nous cherchons à observer l’évolution des gonades (organes reproducteurs), à détecter leur période de reproduction et éventuellement à obtenir des larves en captivité afin de les voir se développer. Ces observations ce déroulent sur des périodes de temps très longues (plusieurs mois). De ce fait, le programme nécessite la présence d'un hivernant, c’est-à-dire une personne qui va passer tout l'hiver à DDU pour s'occuper des aquariums et qui pourra ainsi suivre l’évolution des comatules.

 Comatule Florometra mawsoni : elle aussi semble être circumpolaire (tout autour de l'Antarctique) mais elle est absente du subantarctique. Contrairement au Promachocrinus kerguelensis, elle n'a que 10 bras et ses couleurs sont moins variables : brun jaunâtre essentiellement.

Les autres invertébrés partageant les bacs avec les comatules sont là pour essayer de reconstituer un peu leur habitat et maintenir les bacs propres en limitant l’entretien à réaliser. Ce programme n’est pas exactement en ligne directe avec les besoins de ma thèse, mais c'est pour moi une occasion inespérée d’aller sur le terrain et voir au plus près à quoi ressemble (vivant) un Promachocrinus kerguelensis dans sont habitat naturel. Dans le cadre de mes études, il est aussi important de me faire ma propre idée de l'environnement dans lequel il vit. Je profiterai également de cette mission pour récupérer quelques échantillons pour mes manipulations de génétique, mais ceci est un objectif secondaire.

A ce jour, nous avons pu faire trois sorties dans l'archipel. La prochaine sortie devrait être demain. Ces sorties en mer sont programmées le matin même de la sortie, en fonction de la météo et de la disponibilité du bateau (c'est une petite barge d'ostréiculteur qui sert aussi aux transports logistiques).

poisson Trematomus Bernachii : c'est un poisson de la famille des Nothoteniidae, possédant des protéines antigel dans le sang, pour empêcher celui-ci de geler. Ici, l'eau gèle à -1,88°C.

Aujourd’hui, le bac de benthos est assez bien peuplé. Dans les 2 bacs de poissons, l’agitation commence à être visible, Angélique a maintenant du pain sur la planche. Le premier poisson qui a été pêché (un petit rouge, que j’ai nommé Bubulle et qui bénéficie de l’immunité pour le prélèvement d’organe) est resté seul pendant 2 jours mais maintenant il a des copains qui arrivent presque tous les jours. Les affaires sérieuses commencent enfin.

A très bientôt pour un nouveau compte-rendu adélien.

Vous pouvez poser vos questions sur le post suivant du forum. Lenaïg s’efforcera de répondre à chacun de vous dans la mesure de ses disponibilités, sa connection internet étant très limitée.

Credits photos: Lenaïg Hemery

 

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