C'est dans un contexte préoccupant, tant économique qu'environnemental, que l'association Manta Polynesia Research & Protect et le groupe TOPDive Bathy's ont organisé début juin 2010 un symposium sur la raie Manta, s'entourant de compétences internationales pour exposer le fruit de leurs recherches.

xcepté son esthétique prisée des photographes, la raie Manta est encore bien peu connue, les études étant menées de manière indépendante dans diverses régions du globe où on peut la trouver.
La raie Manta est menacée par l'activité humaine. Pourtant, sans sombrer dans l'écologie exacerbée, la volonté des organisateurs est avant tout le développement d'un
écotourisme, un tourisme contrôlé car la raie Manta tire avec elle une activité économique dans tous les pays qui soutiennent sa protection. Un savant équilibre entre écologie et économie où tout le monde y trouve finalement son compte, y compris la fameuse raie.


Paul Ramos à l'initiative du projet, Directeur des centres de plongée
Bathys en Polynésie française, et
Moeva de Rosemont (vice-président de l'
Association Manta Polynesia Research & Protect - MPRP) ont fait venir des scientifiques travaillant sur la raie Manta, une organisation importante avec l'aide des partenaires : GIE Tahiti Tourisme, Air Tahiti Nui, Air Tahiti, Hotel Intercontinental Papeete, Hotel Maitai Polynesia Bora Bora, Banque Socredo, la commune de Bora Bora et Plongeur.com
La raie Manta est l'un des rares animaux protégés en catégorie A en Polynésie française, une loi votée en février 2008 qui a tendance à rester au stade des velléités environnementales du pays.
Les dérives et abus existent, par le non respect de règles élémentaires d'approche, par la pêche, ou par une activité lagonnaire trop intense, mais la menace est souvent indirecte, voire involontaire : modification du littoral du fait d'une politique favorisant l'investissement immobilier et hotelier, construction de marinas, chenal qui passe sur les stations de nettoyage des Manta, plaisanciers qui laissent trainer des lignes de pêche...
La présence des biologistes étrangers à ce symposium n'avait rien d'un apparat. Ils sont rares dans le monde à mener leurs travaux sur cette raie et travaillaient jusqu'à présent de manière isolée. Des études qui se recoupent malgré une grande diversité géographique (Polynésie, Australie, Maldives, Hawaï) tant sur la nécessité de protéger l'habitat de la raie par la mise en place d'Aire Marines Protégées que de réglementer et de sensibiliser.
L'équipe arrive à Bora Bora
La raie Manta : un animal encore peu connu.
Heidi Dewar (USA)
Cette scientifique étudie les raies Manta depuis 11 ans en mer de Cortèse et en Indonésie. Les raies ont tendance à disparaître partout dans le monde. Elles ont un faible taux de reproduction (1 petit tous les 1 ou 2 ans) et sont très dépendantes des zones riches en plancton. L'un des lieux où elle est le plus menacé : les zones de nettoyage où elles peuvent rester 8 heures par jour.
Les principales menaces pesant sur les mantas sont la pêche (principalement en Indonésie, Mexique, Philippines , pour le marché asiatique où les branchies de Manta sont un met de choix), les prises accidentelles dans les long-lines qui touchent des groupes entiers de Manta, la dégradation de leur habitat (sédimentation, pollution, urbanisme et développement touristique, interaction humaine), mais aussi le réchauffement de la planète qui peut modifier les apports en nourriture et les conditions de reproduction.
Robert Rubin (Californie, USA)
Fort de son expérience de plus de 40 ans, Dr Robert Rubin a pu constater que des températures élevées (+30°C) affectent l’habitat (observation réalisée sur Punta Tosca en Californie). Robert met aussi en avant la notion d’habitat critique qui regroupe toutes les exigences nécessaires à leur sécurité, leur apport en nourriture et la possibilité de se reproduire.
L’habitat peut évoluer avec le temps (saisons, marée), et chaque zone peut être éloignée de plusieurs centaines de kilomètres et réliée par des couloirs qui peuvent faire plus de 600km. Les raies Manta sont capables d’effectuer de longs périples (+2000 km). Tout comme Heidi Dewar, il est convaincu que même s'il reste énormément à apprendre sur ces animaux, on en sait assez pour prendre dores et déjà des mesures de protection.

Le tourisme et la raie Manta : la garder en vie, ça rapporte !
A Nigalu reef, sur le récif frangeant de la côte ouest de l’Australie, le développement touristique en est à ses débuts, mais les autorités ont bien compris tout le potentiel que représentent les raies Manta. Ces dernières peuvent générer des revenus plus que conséquents. Le business lié à l’observation des mantas génère 3.700.00 AU$ par an.
Frazer Mac Gregor (Coral Bay, Western Australia)
A 40 ans, il habite au lieu-dit Ningalu Reef.
Ses travaux :
Manage research station (Murdoch University Perth), PHD
Foraging ecology of Manta Rays in Ningalu Reef.
Il étudie les déplacements des raies, en fonction du tourisme.
La plupart des raies observées sont présentes pour se nourrir. Frazer cherche à comprendre pourquoi elles viennent précisément, de quoi elles se nourrissent, d'où elles viennent...
Ses passions : "la plongée, la pêche, un moyen différent de découvrir l'environnement"
Il travaille sur un projet de « code de conduite » qui se fixe les missions suivantes : contrôler les interactions entre l’homme et les raies Manta, et protéger les animaux des nuisances liées au développement touristique, en limitant notamment la vitesse et le nombre de bateaux, le nombre de personnes dans l’eau, le nombre de sorties...
Anne-Marie KITCHEN-WHEELER
45 ans
Elle vit à Londres & aux Maldives
Elle organise des croisières aux Maldives
Ses travaux : Behaviour ecology of the Mantas.
Ses passions : "Freedive et plongée"
Anne Marie Kitchen Wheeler étude depuis 10 ans les raies Manta aux Maldives. Elle nous explique que le tourisme y est la première industrie devant la pêche, et il est facile de comprendre qu’un animal mort rapporte bien moins qu’un animal vivant. 15 % des visiteurs viennent aux Maldives pour plonger.
L’éco-tourisme a donc toute sa place et représente une véritable économie pour le pays :
une raie Manta morte est vendue 120 US$, alors que vivante, elle rapporte plus de 25.000 US$. De même, un requin mort est vendu 100 US$, alors qu’un requin vivant rapporte 10.000 US$.
Guy STEVENS
31 ans
Il vit aux Maldives
Ses travaux : Research Manta Rays, Maldivian Manta Ray Project, travaille sur la conservation, l'éducation, et la recherche sur la raie Manta.
Sa philosophie : "Make people connect and feel to protect themselves out the planet"
Guy Stevens , biologiste lui aussi aux Maldives, à Hanifaru Bay, précise que les AMP (Aire Marine Protégée) mises en place ne seront pertinentes que si une gestion efficace de ces zones est mise en œuvre. Un permis d’accès aux zones d’observation doit être mis en place, avec une contribution financière demandée aux touristes.
La destination expérimente un concept de séjour « Research trip » qui implique d’avantage le touriste dans une démarche environnementale en l’associant à des programmes de recherche. Ce marché représente 25% du marché des croisières / plongée.
Tim CLARK
41 ans
Il vit à Hawaï, ... et aux Salomon américaines, c'est un nomade
Son travail : Marine echologist for the National Park service of American Salomon.
Ses recherches sur la raie Manta : cartographier ses déplacements, son habitat. Il taggue les raies.
Ses passions : "Surfing, trekking, diving, thriathlon"
A Hawai, le tourisme et les raies Manta semblent faire bon ménage. Tim Clark explique que les raies font partie des animaux les plus accessibles. Elles sont faciles à observer (en plongée comme en snorkeling), inoffensives et impressionnantes de part leur taille. L’ensemble des acteurs est impliqué et respecte des règles de bonne conduite, comme ne pas toucher les raies Manta, ne pas les poursuivre. Les plongeurs restent au fond (pas de barrière de bulles sous les animaux), tandis que les snorkelers restent en surface.
Les plongées du séjour ont été organisées par le centre Bathys-Top Dive de Bora Bora


Le constat en Polynésie française.
Moeava de Rosemont (vice-président de l'Association Manta Polynesia Research & Protect) observe les raies Manta depuis 2002 sur 3 sites de Bora-Bora.
Les raies emblématiques de l’île se sont raréfiées ces 10 dernières années ; en cause un développement des infrastructures hôtelières et des nuisances qui les accompagnent comme le trafic incessant de bateaux, de jet ski, des plongées mal maîtrisées.
Moeava a pu constater que les observations sont plus nombreuses dès que la zone devient plus calme, mais se raréfient aussitôt que les travaux reprennent.
Les raies Manta font partie des espèces protégées en Polynésie Française depuis 2008. Malheureusement, aucune réglementation n’a été mise en place sur le principal site d’observation des Manta à Bora : le site de Anau.
L’association demande depuis 2004 que cette zone soit reconnue comme Aire Marine Protégée. La sauvegarde de ce patrimoine ne se fera qu’avec la participation ACTIVE de tous les acteurs, dans les bureaux feutrés des politiques et businessman comme sur le lagon. Les autorités polynésiennes se doivent de réagir rapidement. Espérons que tous prendront à cœur ce sujet avant qu’il ne soit trop tard, et que les raies Manta ne décident de quitter définitivement l’île.
Du matériel de choix pour immortaliser les plongées !

crédits photo : Fabrice CHARLEUX, Guy STEVENS