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31/08/2007   par Plongeur.com

Invisibles limaces

Tout photographe ou biologiste rêve de pouvoir dénicher toutes les espèces qui vivent en méditerranée. Seulement chacun sait que celles-ci usent et abusent de techniques de camouflage plus que perfectionnées pour échapper à leurs prédateurs éventuels, y compris nous… Les nudibranches en sont un parfait exemple, que je vous propose d’imager dans cet article. « Quoi ?? Que se passe t’il ??? » Je ne comprends pas, mon guide de plongée s’agite dans tous les sens, soi-disant pour me montrer un nudibranche !! Je regarde, sur les éponges, dans les trous, sur les gorgones … non, je ne vois rien !! Un nudibranche se voit toujours … Il est justement réputé pour avoir des couleurs vives pour repousser les prédateurs éventuels. Alors je scrute à nouveau, en me disant : c’est tellement gros que j’ai du le manquer, ou alors la bête mesure 1 mm et j’ai mal cherché … mais rien, je ne vois strictement rien ! Il a beau être guide de palanquée à Lembeh (Indonésie), être le spécialiste du tout petit, il ne va pas me faire croire que j’aurais raté un nudibranche juste sous mon nez !! Les nudibranches, limaces appartenant à la famille des mollusques, sont pourtant faciles à identifier. Elles sont d’une part dépourvues de coquille, et d’autre part reconnaissables à leur panache branchial rétractile servant de système respiratoire et qu’elles portent sur leur dos. Les rhinophores, organes sensoriels situés à l’avant du nudibranche sont aussi très spécifiques à celles-ci et je me sers personnellement de ces deux éléments caractéristiques pour les repérer. Ces petites merveilles très colorées ont la particularité d’être hermaphrodites ; elles possèdent à la fois un orifice génital femelle et un orifice génital mâle, ce qui facilite considérablement leur accouplement. La variété de nudibranches se compte en centaines voire milliers d’espèces différentes, ce qui en fait un jeu très attractif sous l’eau ….et une proie idéal pour les photographes comme moi !

Nudibranche

Ne m’avouant pas vaincue, je me décide à insister encore un peu, et lui demande à nouveau de me le montrer plus précisément !! « Je veux voir les rhinophores et les branchies ! sinon, je ne te croirais pas ! ». Me voilà à mon tour à lui faire des signes extravagants pour lui faire comprendre mes souhaits. Je ne m’imagine même pas croiser un plongeur, qui me prendrait pour une narcosée. La tâche se corse lorsque la limace cache ses branchies et ses rhinophores, par un tour de passe-passe dont elles seules ont le secret, pour se faire discrète à la moindre alerte. Ce n’est qu’en pointant son stick à 2 cm de la minuscule bestiole que je compris qu’elle était complètement camouflée sur le substrat. Non seulement elle avait la même couleur, un espèce de rose couleur chamalo, très peu commun, mais elle avait aussi la même texture que l’éponge sur laquelle elle reposait. Ca c’est du mimétisme plus que réussi !!

Nudibranche

Mais pourquoi donc notre adorable limace se cache t’elle ainsi ? Tout « simplement » parce que l’objectif de celle-ci consiste à se confondre avec son environnement, soit pour faire croire qu’elle est dangereuse comme l’espèce qu’elle imite, soit pour se rendre invisible de ses prédateurs. Plusieurs techniques sont donc possibles : Se confondre avec le substrat sur lequel elle vit et dont elle se nourrit (homochromie) OU ressembler à l’une de ses congénères toxiques non comestibles pour les prédateurs éventuels (mimétisme batésien). Les nudibranches se constituent donc une arme de défense avec les substances dont elles se nourrissent qui sont toxiques et qu’elles stockent dans leurs papilles dorsales, ce qui les rend dangereuses à la consommation. Il est probable, et même plus que certain que vous soyez passé à coté de plusieurs d’entre elles sans vous en rendre compte. La plupart se dissimulent parfaitement avec leur environnement, et restent quasi-immobiles. Alors que nous, plongeurs, sommes attirés par les espèces en mouvement, il est donc très difficile de percevoir et de trouver celles qui ne le sont pas. L’œil du plongeur biologiste aura aussi tendance à les trouver plus facilement qu’un plongeur lambda. Pourquoi ? Car ceux-là connaissent les modes de vie de ces espèces, et de quoi elles se nourrissent. Ils orientent donc leur plongée en sachant sur quoi les nudibranches peuvent se trouver….

Nudibranche

Par exemple, consacrez une plongée à l’observation des gorgones blanches. Prenez bien le temps de les observer de très près …Nudibrancheet si vous apercevez une excroissance sur l’une d’entre elles, vous serez alors l’heureux gagnant d’une belle découverte : un nudibranche d’1 cm maximum, appelé « Tritonia nilsodhneri ». Ce minuscule nudibranche se confond parfaitement avec la couleur des gorgones, mais il va jusqu’à imiter la forme des polypes de celles-ci …J’ai personnellement fait l’exercice à Banyuls sur mer … et j’en ai vu par dizaine !! (cf ci-dessus). Alors, à vous de jouer !

© Texte & Photos : Hélène Caillaud


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